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dimanche 7 juillet 2024

Le journal des étudiantes et étudiants de Lyon 3

Retour sur le Grand Débat des élections européennes – 28 mars 2024

FOCUS INSTITUTIONS ET SOUVERAINETÉ, par Manon Letrain 

Venant du latin superus « supérieur », la souveraineté se définit comme « le principe de l’autorité suprême ». Autrement dit, l’absence de soumission. En matière de politique, la souveraineté est le droit absolu d’exercer une autorité (législative, judiciaire et/ou exécutive) sur une région, un pays ou sur un peuple. D’après Jean Bodin (1530-1596) dans son traité Les Six livres de La République, la souveraineté est l’attribut essentiel de l’État : « C’est la puissance absolue et perpétuelle d’une République ». Rien ne lui est supérieur, dans la limite de son champ de compétence, et elle ne peut être anéantie. Pour Jean-Jacques Rousseau, le peuple est le seul détenteur légitime de la souveraineté. A l’heure où l’immigration, l’impact des normes environnementales sur l’économie et la corruption brûlent les lèvres, la thématique de la souveraineté s’illustre comme incontournable lors de ces élections européennes.

Ce jeudi 28 mars 2024, les candidats des différents partis aux élections européennes furent amenés à présenter leurs solutions pour affirmer la puissance de l’Etat Français en cet instant de crise des institutions européennes.

Être européen et l’Union européenne

               Le parti Reconquête! (R!) se fonde sur l’héritage, à la fois gréco-romain et chrétien, comme ciment entre les peuples européens. Il souligne par conséquent l’importance de rester dans l’Union, en visant à la construction d’une « Europe des Nations ». Le Rassemblement National (RN) partage cette position tout en émettant des réserves quant au maintien au sein de l’organisation.

               Les Républicains (LR) soulignent qu’être européen réside en le partage de valeurs et d’une histoire commune. Ils ne sont ni pour le BREXIT comme présumément désiré par une partie de la droite, ni pour le « grand Open Space » rêvé de la gauche.

              Le Parti communiste Français (PCF) affirme que la notion d’européen sous le prisme de l’ethnie est un non-sens. Il n’y aurait aucune différence entre « un travailleur du Bangladesh et un travailleur français ». Être européen renverrait simplement à la proximité géographique. L’on « se fout du christianisme », le passé compte peu, l’importance se trouve en « ce qu’on fait demain ». Ainsi, rester dans l’Union est souhaitable, mais n’est pas lié à un sentiment d’appartenance particulier. La distinction qui devrait être soulevée est celle de l’humain face aux superprofits, non de l’identité.

               La France Insoumise (LFI) et Les Verts ne s’expriment pas sur la question de l’identité européenne, mais souhaitent demeurer au sein de l’organisation.

               La coalition du Parti Socialiste et du parti Place Publique appuie que le peuple européen n’existe pas. Il n’existe que l’Union européenne, fondée sur une mise en commun de l’agriculture et de l’énergie. La question qui devrait être soulevée est celle de la solidarité, non de l’identité.

Les institutions européennes face à la souveraineté des États

               À propos de l’environnement, l’ensemble des candidats à l’exception des Verts et des LR sont d’avis que les normes environnementales imposées par l’Union européenne constituent une perte de compétence de souveraineté à laquelle il faut remédier. (Voir partie environnement). Sans oublier que le secteur économique s’en trouve directement impacté (Voir partie économie).

               Concernant le respect des valeurs communes, R! tend à faire cesser la fuite en avant fédéraliste et assurer la stricte application du principe de subsidiarité s’agissant des politiques internes, notamment en laissant chaque État choisir sa politique en matière d’immigration. Dans cette logique, LR avance qu’ « être contre l’immigration n’est pas être contre la dignité humaine », donc ne va pas à l’encontre des valeurs communes. Le parti défend la possibilité des États de choisir leur politique migratoire.

               Le RN adopte quant à lui une position moins souple. L’immigration serait « une compétence régalienne et non pas une compétence européenne ». En outre, le parti est le seul à aborder réellement la question de la diplomatie, avec le candidat R! : ils refusent de céder le siège de la France au sein du Conseil de sécurité de l’ONU à l’Europe.

               A contrario, LFI et les Verts sont favorables à une plus grande intervention européenne, notamment en vue des objectifs écologiques et humains, et réaffirment les valeurs communes : droits de l’Homme, écologie et vivre ensemble. La problématique de l’immigration ne serait qu’une « chimère » séparant du rêve de paix porté par Schuman. La coalition du Parti Socialiste et du parti Place Publique partage ce dernier point, en nuançant toutefois son propos. La candidate admet la possibilité de contrôler les flux migratoires, dans la limite d’une organisation rigoureuse de l’accueil des migrants et d’une intégration systématique.

La crise des institutions

               Outre la thématique écologique, il s’opère en Europe une véritable crise démocratique, dite « crise de la confiance ». Les partis précisent unanimement l’importance de faire respecter la souveraineté des peuples en s’assurant que les parlementaires ne fassent que « ratifier » la volonté générale. Ceci afin d’éviter la corruption via les lobbys. L’enjeu est d’annihiler le sentiment d’éloignement des électeurs en assurant une représentation juste.               

Les opinions des partis établis, c’est maintenant aux électeurs de s’exprimer afin d’orienter l’avenir de l’Union européenne ce dimanche 9 juin 2024. Alors… à vos urnes !

FOCUS ENVIRONNEMENT, par Marianne Sigrist

Changements climatiques, nucléaire, énergies renouvelables, incidences sur l’agriculture… Une thématique incontournable de ces élections européennes est l’environnement. L’environnement occupe une place importante parmi les responsabilités de l’Union européenne. Tout comme l’énergie, les transports ou l’agriculture, il s’agit d’un domaine où les compétences sont réparties entre l’Union européenne et ses États membres. L’Union agit selon trois axes principaux : préserver, conserver et améliorer le patrimoine naturel de l’Union ; rendre l’économie européenne plus efficiente dans l’utilisation des ressources, respectueuse de l’environnement, compétitive et à faible émission de carbone ; et protéger les citoyens de l’UE contre les pressions environnementales et les risques pour la santé et le bien-être.

Tous les candidats semblent concernés par la question environnementale. Entre incendies au Portugal et canicule sur toute l’Europe lors de l’été 2023, il n’est plus possible de dénier l’urgence climatique.

Si pour Les Républicains (représenté par Romain Billard, Conseiller municipal de la ville de Lyon) l’Europe est la bonne élève et les normes vont trop loin, La France insoumise (représentée par Anaïs Belouassa Cherifi, 35e sur la liste) dit qu’au contraire, l’Europe devrait mettre en place plus d’initiative, surtout sur la question de l’extinction des espèces à cause des industries et des politiques en place.

Europe Écologie – Les Verts (représenté par Majdouline Sbai, 5e sur la liste) défend vigoureusement la nécessité d’une convergence au sein de l’Union européenne concernant l’environnement, particulièrement en raison de l’urgence croissante liée au dérèglement climatique et au dépassement rapide des limites planétaires. Cette idée est soutenue par les autres partis de gauche. La coalition du Parti Socialiste et de Place publique (représenté par Sybille Douvillez, porte-parole de Place Publique Jeune et 23e sur la liste) estime qu’il faut que l’Union européenne devienne une « puissance écologique ». 

Sur la question nucléaire, les partis sont divisés. Si le Rassemblement national (représenté par Andréa Kotarac, porte-parole national du parti), Les Républicains et le Parti communiste français (représenté par Guillaume Dumoulin, 31e sur la liste) sont en faveur de l’énergie nucléaire, les partis de gauche sont plus fébriles. Ils n’ont jamais mentionné être réellement pour mais ils restent en accord sur le besoin de mélanger les ressources énergétiques. Pour Reconquête (représenté par Stéphane Blanchon, Conseiller régional AURA et Délégué départemental), il faut se préparer à l’avenir avec une autonomie énergétique par le biais du nucléaire.

Cependant les types d’énergies renouvelables ne font pas toutes l’unanimité. C’est le cas de l’éolien. Le Rassemblement national s’y est fermement opposé pour des raisons de protection animale — plusieurs centaines d’oiseaux meurent chaque année à cause des éoliennes selon la LPO — et d’esthétiques. « Ce n’est pas dans les jardins de l’Élysée mais chez nos agriculteurs qu’on retrouve les éoliennes » affirme Andréa Kotarac.

Le Parti communiste français est le seul à avoir abordé les déplacements massifs de population, un risque lié aux changements climatiques. Non seulement, ce serait un enjeu d’accueillir ces personnes dans de bonnes conditions, mais aussi il y aurait des perturbations, notamment dans les secteurs de l’emploi.

Au-delà des considérations énergétiques, il y a aussi une articulation qui doit être faite entre l’écologie et l’économie

Il y a d’abord l’enjeu lié à l’agriculture. Les partis d’extrême droite remettent en cause le Green Deal (un ensemble de mesures mises en place par l’Union européenne pour atteindre la neutralité carbone d’ici 2050). Le Rassemblement national estime que c’est une « écologie punitive », qui ne prend ni en considération les zones rurales ayant besoin de la voiture ni la situation des petits agriculteurs. 

Tous les partis ont ensuite affirmé être contre les traités sur les tarifs douaniers préférentiels sur des produits agricoles avec des pays extra-européens comme le Canada ou la Nouvelle-Zélande. Au-delà de l’impact économique en défaveur des agriculteurs européens, c’est une catastrophe écologique en raison du transport des produits qui est très polluant. 

Enfin, tous les partis se sont également prononcés contre la relocalisation. Le Rassemblement national estime que cette délocalisation est due à l’augmentation de normes européennes sur l’environnement défavorables pour les entrepreneurs. Pour le parti des Verts, Majdouline Sbai estime que l’enjeu est aussi sanitaire. En effet, l’usage de produits chimiques néfastes pour l’environnement et pour la santé n’est pas autant réglementé qu’en Europe.

FOCUS ÉCONOMIE, par Camille Miralles

L’Union européenne est fondamentalement une union économique de pays qui adoptent des mesures communes, mais aussi qui sont inclus dans un marché unique depuis 1993. Dès lors, de nombreuses réglementations ont été instituées, promouvant le libéralisme. Les différents partis sont ainsi amenés à proposer des réformes quant au contexte économique actuel, soit des problématiques inflationnaires, de pouvoir d’achat et de réindustrialisation.

         Tout d’abord, pour La France Insoumise (LFI), ces normes peuvent être repensées pour renforcer leur dimension sociale et soutenir les services publics, comme l’éducation ou les hôpitaux, mais aussi pour lutter contre la pauvreté. Afin de favoriser la stabilité du pouvoir d’achat, ce parti veut, par exemple, indexer les salaires sur l’inflation.

         Le parti Reconquête souhaite à l’inverse limiter les dérives normatives liées à la surtransposition. En transformant le principe de convergence institutionnel, les politiques européennes tendraient à revenir à une économie plus proche des citoyens et au service du politique.

         La coalition du Parti Socialiste et de Place Publique est favorable à l’instauration de prix planchers, à l’inverse des Républicains mais avec le soutien de LFI, sur les ressources premières comme le sucre ou le porc. Cela garantirait un revenu minimum pour les agriculteurs, en réponse à la crise agricole européenne actuelle, avec une limite de marge des grands distributeurs. Avec le Parti Communiste Français (PCF), il s’agit de permettre à tous de vivre de son travail, en luttant contre la paupérisation des classes moyennes.

L’alliance du Parti Socialiste et de Place Publique veut aussi renforcer les moyens économiques des institutions endettées et mettre en avant une réforme de la taxation par une augmentation de la participation des entreprises à haut profit, plutôt que de la masse citoyenne, selon une logique de justice sociale. Ce groupe souhaite s’inspirer de l’idée d’un impôt mondial établi par le G20.

De plus, LFI et la coalition soutiennent la lutte contre l’évasion fiscale et les paradis fiscaux responsables d’une perte de plusieurs milliards d’euros de fonds. Les Républicains se concentrent plutôt sur les enfers fiscaux avec une taxation des bénéfices qui ne rend pas assez attractif le marché intérieur, notamment en France. Le PCF répond que cela permet la réalisation de la mission de la protection sociale et penche pour une harmonisation des fiscalités pour lutter contre les inégalités au sein même de l’Union économique européenne.

Le Rassemblement National avance que l’Union européenne perturbe le jeu concurrentiel avec des normes très restrictives pour les producteurs internes. Selon ses représentants, il faudrait taxer les entreprises qui délocalisent pour vendre dans le marché intérieur et rétablir une protection douanière pour prioriser la production nationale, soit protéger pour rémunérer. Il s’agit aussi de promouvoir les emplois locaux et nationaux pour lutter contre le chômage et la précarité.

Les Ecologistes tendent à réaliser une fiscalité verte là où les prélèvements s’assimilent à des sanctions. Le coût de la pollution, comme celui des eaux potables, et des importations à grande échelle entraînent une dette écologique avec le prix de la dépollution, mais aussi des soins hospitaliers. Ils sont en faveur d’une stratégie économique liée au Green Deal pour investir dans des filières nécessaires comme le textile ou l’agriculture.

         Ainsi, les différents partis politiques ont exprimé leurs solutions pour répondre aux problématiques économiques actuelles dans le cadre des élections des eurodéputés qui se tiendront le Dimanche 9 juin 2024. Ce sera alors l’occasion pour les citoyens de décider, par les urnes, de l’orientation des politiques de l’Union pour le prochain quinquennat, jusqu’en 2029.

Sources :
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